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Pistes pour faire une vraie opportunité de vos prochains entretiens annuels

jean-marc BRULE
Pour beaucoup, parler entretien annuel c'est parler obligation légale et contraintes. Pourtant, l'intérêt de cet outil dans la performance d'une équipe est réel.

Je vous propose des solutions pour vous permettre d'en faire un outil central de la performance et de la fidélisation de vos collaborateurs. Et pourquoi pas, même, d’y prendre plaisir. Et si vous exercez en solo et n’avez pas de collaborateur, vous pourrez tout à fait appliquer avec bénéfice à toute relation de sous-traitance le processus décrit dans cet article.


1. Sur le caractère légal de l'entretien :

 

Je suis toujours surpris de m'entendre dire par des avocats, y compris en droit du travail, que si l'entretien annuel est bien obligatoire pour les personnels salariés du cabinet, on peut s'en affranchir en ce qui concerne les collaborateurs libéraux. Pourtant, l’article 14.3.3 du RIN est tout à fait clair sur ce point et précise que « quelle que soit la durée du contrat de collaboration libérale, les parties se rencontreront, à la demande de l'une d'entre elles, au moins une fois par an pour examiner l'éventuelle évolution de leur relation ». CQFD.

Nulle échappatoire donc, et autant transformer cette obligation en un élément de la performance, de la motivation et de la fidélisation de votre équipe.

 

  1. Pas besoin car on se parle tout le temps…

 

C'est confondre échanger sur la forme pour les besoins courants de l'activité et se poser sur le fond pour la stratégie de la collaboration, l'entente des souhaits et des attentes des collaborateurs, et réciproquement exprimer l'attente et les souhaits du cabinet.


Se voir autour de la machine à café est agréable et utile, mais ce n'est pas prendre du temps ensemble, se regarder dans les yeux, parler avec sincérité des besoins de chacun, et décider des objectifs de l’année à venir.

 

3. Mais alors l’entretien annuel c’est quoi dans les faits ?

 

Ce n'est surtout pas un conseil de classe ! Il s'agit d'un temps d'échange que l'on s'accorde afin de ne plus subir ou réagir aux événements de la collaboration, mais pro agir et créer du futur ensemble.


Car pour performer, chacun de nous a besoin de se projeter dans l'activité, de connaître avec précision le cadre et les attentes, et d'entendre définir les objectifs et les indicateurs qui démontreront la réussite. C'est aussi permettre à chacun d'exprimer ses remarques, voire ses griefs, afin d'apaiser la relation et de booster le partenariat.


Les cabinets les plus avancés, inscrivent ce moment dans leur parcours collaborateur, afin de le faire vivre tout au long de l'année et de la présence de leurs collaborateurs au sein de l’équipe.


Alors bien sûr, cela peut apparaître inconfortable à certains, sauf qu’en 2024, dialoguer avec vos équipes pour les motiver à progresser, s’impliquer et se projeter à long terme au sein de votre Cabinet est juste essentiel, et source de qualité en termes de marque employeur et d'attractivité de votre Cabinet. Mais alors comment faire simple et efficace ?

 

4. Investir du temps dans leur préparation

 

La préparation doit précéder l'action. Faites de vos entretiens annuels un véritable lieu d'échange sur l'année écoulée, mais aussi de co-construction de celle qui s'ouvre. Vous y préparer et y préparer vos collaborateurs sera un facteur central de leur réussite.


Votre but est donc double :

• Construire une vision objective de l'année écoulée, en omettant ni les succès, ni les échecs.

• Bâtir ensemble les mois à venir.

 

Afin d’en faciliter la préparation, je vous préconise de tenir au long de l'année une sorte de journal de bord de la collaboration dans lequel vous inscrirez les faits les plus marquants. Ce que j’appelle dans mon « kit de survie des entretiens annuels » le Relevé Individuel des Faits marquants


Ceci vous évitera le travers trop fréquent de ne tenir compte que des dernières semaines qui précèdent l'entretien, voire du dernier évènement survenu. Vous supprimerez également ainsi, les nombreux biais cognitifs qui nous conduisent à ne retenir que le positif ou le négatif, en fonction de notre humeur du moment. Travailler sur des faits et non des ressentis rendra votre propos clair et recevable, même et surtout dans le cas d'un recadrage.


Si vous êtes plusieurs associés, un rapide échange sur les collaborateurs vous permettra d'élargir votre vision de l'action et du comportement de chacun.

 

Mais la pleine réussite de ce moment résultera aussi du fait d'inclure suffisamment en amont vos collaborateurs dans cette phase de préparation. Ne jouez pas la surprise et ne cultivez pas l’inconnu. Parlez-leur de l'entretien, de son contenu, de son format. Décrivez-leur vos attentes. Demandez-leur de réfléchir à des voies d'amélioration, ainsi qu'à tout ce qui serait de nature à rendre votre collaboration mutuellement plus efficace et rentable.


Privilégiez systématiquement les faits à l'émotion. Ce qui est parfois plus facile à dire qu’à faire.


  1. les 4 phases qui assureront votre succès

5.1  Savoir accueillir


Sur la durée de 60 à 90 min de l'entretien dans son ensemble, beaucoup se joue dès les premiers instants. Soyez donc détendu et pleinement disponible. Choisissez un lieu calme et propice au dialogue. Évitez si possible d'être face à face chacun d'un côté de votre bureau. Dans le cas où plusieurs associés assistent à l'entretien, placez- vous en cercle afin d'éviter la formation « Grand Jury »

 

Le fait que vous preniez du temps pour ce moment est un signal fort que vous envoyez à votre collaborateur : il compte pour vous.

 

Dans le même sens, si vous êtes collaborateur, venez à l'entretien dans un esprit de construction partagée et de motivation à mieux faire ensemble. Car si la motivation est contagieuse, la lassitude l’est tout autant.

 

Commencez l’entretien en rappelant rapidement le cadre, le déroulé et les étapes qui le composent.

 

5.2  Écoutez pour apprendre


La première étape de l'entretien (une vingtaine de minutes) consiste à écouter votre collaborateur. À l’écouter vraiment :


• Qu'a-t-il pensé de son année.

•  Comment a-t-il vécu les challenges mais aussi les épreuves qui l'ont jalonnés.

• Qu'est-ce qui lui a plu ou déplu.

• Qu'est-ce qui l’aurait aidé à mieux remplir sa mission.

• Comment se sent-il au sein de l'équipe…

 

Montrez-lui que vous êtes totalement présent en coupant votre téléphone et en mettant en œuvre les principes de l'écoute active*. Je sais à quel point cela peut être difficile mais, même si vous n’êtes pas en accord avec ses propos, ne l’interrompez pas pour reprendre la parole. Prenez des notes afin de ne pas perdre la richesse des propos qui sont exprimés et être en capacité de rebondir dessus un peu plus tard. La seule exception consiste à l’aider à préciser sa pensée afin d’être certain de l’avoir parfaitement compris.

 

Ayez conscience que prendre la parole sur le sujet même de votre collaboration représente pour certains collaborateurs une réelle épreuve. N'hésitez donc pas en cas de silence trop pesant, à relancer le dialogue par des questions ouvertes.


Ce n'est pas parce que votre collaborateur parle peu, voire pas, qu'il n'a rien à exprimer qui soit intéressant et profitable à vous deux pour le futur de votre collaboration. Soyez donc pleinement acteur en n’hésitant pas à « aller le chercher ».

 

Enfin, soyez attentif aux signaux corporels, à la tonalité, à la posture. Ils en disent tout autant, sinon plus, que les paroles elles-mêmes.

 

À ce stade, vous connaîtrez la vision que votre collaborateur a de sa présence à vos côtés, ainsi que de ses envies et motivations.

 

5.3  Parlez pour motiver et fidéliser


Le moment de partager votre propre vision de la relation est arrivé. La préparation que vous en aurez faite se trouve enrichie de la prise de parole de votre collaborateur, ainsi que des notes que vous aurez prises. L'essentiel pour vous est de parler vrai. Du cabinet, du poste ou de la fonction, puis du collaborateur lui-même. Abordez autant les succès, les forces, les enjeux que les échecs les faiblesses et les risques identifiés. Soyez factuel, objectif et juste. Seul cela entraînera l'adhésion de votre collaborateur.

 

A. Commencez par la période qui s'achève, en rebondissant si besoin sur ce que votre collaborateur vous en aura décrit.


Apportez votre propre éclairage sur cette période en prenant appui sur les faits que vous aurez identifiés lors de la phase préparatoire grâce à votre journal de l'année.


Analysez les objectifs que vous aviez fixés l'an passé et accordez-vous sur le niveau de leur atteinte. Si un intéressement sur le chiffre d'affaires ou une prime sur des objectifs spécifiques était prévu, félicitez et confirmez leur versement. Je vous invite à être dans un vrai dialogue.


Asséner VOTRE vérité servira moins votre propos que de tomber en accord avec l'autre sur les effets et les causes. Il est tout aussi utile d'approfondir les raisons d'un succès que celui d'un échec, à partir du moment où cela conduit à une vision partagée et à déceler des leviers d'amélioration.

 

B. Abordez la période qui commence. Parlez stratégie du cabinet mais également de celle de votre collaborateur au sein du cabinet, et de la place qu'il y occupe.


En complément de ce que vous aviez préparé en amont prenez soin d'intégrer dans vos propos les éléments importants qui auraient été exprimés dans les phases précédentes de l'entretien. Se savoir entendu et compris est un des fondements de la motivation. Sans que cela ne signifie pour vous d’être en accord sur tout, bien entendu.


Ayez à l’esprit que cette phase de l'entretien a pour objet de tracer ensemble la route de la collaboration sur les 12 mois qui viennent. Il convient que vous exprimiez vos attentes de manière claire et précise. Chaque approximation ou ambiguïté d'aujourd'hui est le terreau d'incompréhensions et de problèmes de demain.

 

Définissez donc des objectifs parfaitement délimités (Smart*) qui soient pertinents, ambitieux mais réalistes. Ne faites surtout pas une liste à la Prévert. Je vous conseille de limiter la liste des objectifs au nombre de cinq, car je vous rappelle qu'il doit s'agir de vrais objectifs, qui engagent une progression réelle de votre collaborateur, dans son intérêt et dans celui de votre cabinet. Des objectifs qui pour être atteints peuvent nécessiter la mise en œuvre de moyens tels que des formations, des investissements en outils ou logiciels de la part de votre cabinet ou toute autre acquisition de compétences qui rendra votre collaborateur plus responsable et plus autonome.

 

Au-delà de la pratique professionnelle, les compétences comportementales  (soft  skills)  ont  valeur à figurer dans cette liste. Attention cependant, aux indicateurs de réussite que vous choisirez pour les accompagner. Ils se devront d'être particulièrement factuels afin de limiter tout écart d'interprétation future relative à leur atteinte. Rien de plus aléatoire en effet que jauger la notion de «bonne ambiance» ou de « plus d’implication ».


Lors de la phase d'écoute, votre collaborateur vous aura peut-être parlé de compétences annexes qu'il possède ou aimerait développer. Utilisez au mieux ses envies pour accroître la performance de votre cabinet et lui permettre de s'épanouir. Il peut s'agir de capacité à gérer les réseaux sociaux, de compétences en informatique, d'envie de structurer par des processus ou des modes de fonctionnement qui amélioreraient la performance de l'équipe, ou encore de désir de représenter le cabinet lors de webinaires ou de formations. Ayez conscience que, au-delà de la génération pure de chiffre d'affaires, la valeur ajoutée d’un collaborateur sur des missions qui ne sont pas directement liées à la production de contenu juridique facturable peut concourir pour une part réelle à la performance globale de l'équipe.

 

Et le perso dans tout cela ? La limite est toujours ténue entre se taire ou aborder des sujets plus personnels. Pour ma part, et dans le cadre d’entretiens bienveillants qui répondent à l’ensemble des principes qui précèdent, je recommande d’aborder le sujet de l’évolution d’une situation personnelle, à partir du moment où celle-ci rejaillit fortement et négativement sur la collaboration. Attention cependant à le faire en toute bienveillance et dans l’objectif de trouver -ensemble- si possible des réponses qui satisfassent chacun. Et de respecter le désir de silence de votre interlocuteur. En ayant conscience, vous comme lui, que faute de l’évoquer et de trouver des alternatives, c’est la collaboration elle-même qui pourrait en pâtir à terme.


5.4 Sachez conclure


Au même titre que l'accueil, prêtez attention à cette ultime phase de l'entretien. Prenez le temps de remercier pour la qualité de l'échange. Indiquez que vous adresserez le compte-rendu sous 8 jours au plus. Rappelez les objectifs convenus et encouragez de nouveau dans leur atteinte. Assurez votre collaborateur de l'implication du cabinet à ses côtés. Renouvelez votre confiance. Motivez.


6. C'est fini ?


Pas tout à fait, car comme pour tout accord, les paroles s'envolent (même avec la plus parfaite bonne foi) et les écrits restent. Prenez donc le temps de rédiger un compte-rendu simple mais complet dans lequel vous ferez une synthèse de votre échange et reprendrez les objectifs et décisions prises en commun.


N’éclipsez pas d'éventuelles divergences de vues persistantes, et notez de manière factuelle la position de chacun.


Ce compte-rendu deviendra votre feuille de route pour l'année à venir, un document auquel vous référer régulièrement afin de vous assurer que le cap est conservé et que les objectifs sont réalisés, ou en passe de l’être. Trop souvent, on range soigneusement cette boussole dans une pochette, au fond d'un placard pour ne le ressortir que douze mois plus tard. Le temps de constater qu'aucun des objectifs n'a été atteint ni aucune des décisions mises en œuvre. Un an de perdu !


Afin d'éviter cet écueil si fréquent, la parade consiste à organiser des micros-points intermédiaires, tout au long de l’année afin de vous assurer ensemble que tout se déroule suivant les plans. Cela est tout particulièrement vrai lorsque des objectifs convenus supposent un chantier important ou une contribution active du cabinet aux côtés du collaborateur.


Conclusion


La fin de l'année et son cortège d'entretiens annuels approche désormais à grands pas. J'espère avoir éveillé en vous l'envie de vivre ce moment comme une véritable opportunité d'innover, de créer de la valeur ensemble, avec pour conséquence de mieux épanouir et fidéliser votre équipe. Si nous sommes obligés de respirer pour survivre, cela peut devenir un véritable acte de plaisir, en découvrant des senteurs nouvelles ou en inspirant les embruns d’un bord de mer. Transformer la contrainte des entretiens annuels en facteur de performance et d'épanouissement collectif est possible, attendu et souhaitable. Il suffit de changer votre vision et de rendre vos collaborateurs acteurs de ce moment.

 

Jean-Marc Brulé, partenaire business des Avocats. Vous aide à devenir plus performants

et plus épanouis.

Fondateur de l’agence conseil avocat & manager Auteur du Pack de réussite de l’entretien annuel en Cabinet d’Avocat https://www.avocatmanager.fr/boutique


Article paru dans le numéro 15 du Journal du village de la justice de novembre 2024

 


* Ecoute active : notion introduite par Carl Rogers, un psychologue américain qui la définit comme un concept qui consiste à utiliser le questionnement et la reformulation afin de s'assurer que l'on a compris au mieux le message de son interlocuteur et de le lui démontrer.

*SMART : critère d’un objectif Spécifique, Mesurable, Atteignable Réaliste et défini dans le Temps


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